lundi 19 mars 2018

Vingt ans après

Delphin Enjolras The boudoir

– Tu te souviens ?
– Je me souviens, oui, mais elles sont si loin, maintenant, ces années-là.
– Oh, pas tellement ! Quel âge avions-nous ? Vingt-et-un ans ? Vingt-deux ?
– Vingt. Tant d’événements sont survenus depuis. Ton mariage. La mort de Charles. Mon départ pour Bergerac.
– Tu n’y repenses jamais ?
– Rarement. Très rarement.
– Et moi, souvent. Très souvent. Je nous revois. Je te revois. Avec quel empressement tu venais m’offrir ton derrière à claquer, le soir, près de la volière ! Tu te troussais à une allure !
– Il fallait faire tellement vite. On ne pouvait pas s’éloigner longtemps. Et si on nous avait surprises… Alors là, si on nous avait surprises, je n’ose même pas imaginer ce qui se serait passé.
– Il s’en est pourtant fallu quelquefois de si peu. Prises par nos jeux, nous les prolongions plus que de raison. Ils s’inquiétaient et se mettaient à notre recherche.
– Heureusement que, ce faisant, ils nous appelaient et que le son de leurs voix…
– Te laissait largement le temps de remettre de l’ordre dans ta tenue.
– On avait un prétexte tout trouvé : les oiseaux. Au coucher desquels on prétendait vouloir assister.
– Tu étais insatiable. À peine les marques s’étaient-elles effacées que tu me réclamais, à cors et à cris, une nouvelle fessée.
– Qu’il ne m’était nul besoin de quémander longtemps. Tu prenais un tel plaisir à me l’infliger !
– Et toi, à la recevoir.
– J’aimais trop tes yeux quand on se relevait. Ils brillaient d’une telle excitation !
– Et moi, les tiens ! Qui n’étaient plus que volupté. Volupté pure.
– Tu tapais fort. Ça me brûlait pendant des heures.
– Ce qui n’était pas pour te déplaire, avoue !
– Oh, non ! Non. Plus c’était fort et plus… On était complètement folles.
– Et le reste du temps… Dès qu’on réussissait à être un peu seules, on en parlait. On ne pouvait pas s’empêcher d’en parler.
– Il fallait absolument que je te dise. Tout. À quoi je pensais quand tu me le faisais. Ce que je ressentais. Si j’avais honte. T’arrêtais pas de me poser des milliers de questions. Auxquelles il m’était impossible de répondre. On ne peut pas mettre de mots sur ces sensations-là.
– Et toutes ces promesses que tu me faisais. Que toujours je pourrais t’en donner des fessées. Toute notre vie. Même quand tu serais mariée. Que c’était quelque chose dont jamais tu ne pourrais te passer.
– On était bien un peu exaltées.
– Tu ne les as jamais tenues, tes promesses.
– Et pour cause. La vie nous a séparées. Éloignées l’une de l’autre.
– Et finalement rapprochées.
– Oui, mais…
– Mais ?
– Ce ne serait plus vraiment pareil aujourd’hui. On a changé. Mûri. On ne serait plus que la caricature de nous-mêmes. On serait déçues. Tellement déçues.
– Ou très agréablement surprises au contraire.
– Tu crois, toi ?
– J’en suis convaincue.
– Jamais on n’aurait dû raviver ces souvenirs. Jamais.
– Et pourquoi cela ?
– Parce que…
– Parce que la perspective de te retrouver, comme avant, les fesses à l’air…
– Tais-toi !
– Et de me les offrir pour une vigoureuse claquée.
– Tais-toi, je t’en supplie !
– Te tente au moins tout autant qu’avant.
– S’il te plaît, Alice…
– Que redoutes-tu ? On est seules. Que toutes les deux. Pour la journée. Regarde-moi, Marthe ! Ils sont pleins de cette envie-là, tes yeux. Ils en débordent. Allez, cesse donc de lutter contre toi-même ! Pose-moi ce tambour à broderie. Et trousse-toi ! Comme là-bas. Comme avant.

4 commentaires:

  1. Je m'attends à une suite moi... Bien croustillante..

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  2. Vous avez décidément de la suite dans les idées… ;)

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  3. Oh, le temps perdu et retrouvé...
    Alors que dans la vraie vie à tout le monde.... Ni temps passé ni les fessées reviennent xD

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  4. Ce ne sont effectivement pas les mêmes fessées qui sont données et reçues à 20 ans, à 40 ou à 60.

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