lundi 25 décembre 2017

Douce soirée

Delphin Enjolras. Elegant ladies taking tea.


– À la voir, comme ça, jamais on n’irait imaginer une chose pareille.
– Et pourtant…
– Est-ce si sûr ? Il se dit tant de choses.
– Les femmes de chambre, entre elles, en font des gorges chaudes.
– Oui, oh, mais les femmes de chambre…
– Sont les mieux placées pour être au fait des petits – ou des grands – secrets de leurs maîtresses. Et là, elle a le fessier dans un état, paraît-il. Et c’est loin d’être la première fois.
– Ce qui ne l’empêche pas d’arborer ses grands airs.
– Ah, ça ! On ne se refait pas.
– Faut-il qu’elle l’ait poussé à bout son pauvre comte de mari pour qu’il en arrive à des extrémités pareilles ! Un homme si calme… Si doux…
– Qui vous dit que ce soit lui ?
– Comment cela ?
– Ça s’entend une fessée. Quand bien même on s’efforce d’être discret. Or, personne jamais…
– Mais alors…
– Comme vous dites, oui. Mais alors…
– Son confesseur ?
– Le père Chatel ! Vous plaisantez ! Vous imaginez vraiment le père Chatel infligeant à ses pénitentes des peines de cette nature ?
– Pas vraiment, non ! Mais qui alors ?
– C’est bien là toute la question.
– Elle n’aurait quand même pas…
– Quoi donc ? Un amant ? J’y ai pensé aussi. D’autant qu’avec son mari il y a belle lurette qu’ils font chambre à part.
– Je ne voudrais pas l’enfoncer, la pauvre, mais je me demande quand même si ce ne serait pas le genre à ça.
– Pourquoi diable un amant irait-il administrer des fessées à sa maîtresse ?
– À moins que…
– Ça lui plaise ? Oh, quand même !
– Avec elle, malheureusement, je crois qu’on peut s’attendre à tout. Vous vous souvenez de ce qui s’est raconté, à son sujet, il y a deux ans ?
– Si je m’en souviens ! S’il ne tenait qu’à moi, c’est quelqu’un que je tiendrais soigneusement à distance. Mais bon ! On est parfois contraint de fréquenter des gens que l’on ne voudrait pas.
– À qui le dites-vous ! Non, faut bien reconnaître… Si de bonnes fées ne s’étaient pas penchées sur son mariage…
– Ah, ça, c’est sûr ! Et vous pensez bien que l’existence qu’elle a menée auparavant…
– Ne devait pas être des plus rangées, là-dessus nous sommes bien d’accord.
– Alors sans doute que ces fessées prennent racine, d’une façon ou d’une autre, dans un passé peu avouable.
– Sur lequel il vaut sans doute mieux éviter de se pencher.
– En effet… Nous serions à coup sûr amenées à patauger dans des eaux nauséabondes.
– Ce qui ne nous convient ni à l’une ni à l’autre.
– Assurément…
– Là voilà qui revient…
– Oh, mais quel magnifique bouquet vous avez cueilli là, ma chère ! Il est à votre image. D’une angélique beauté.

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