samedi 18 novembre 2017

Amandine

Quand je les ai découverts sur ses blogs:



les dessins et les textes de Didou m'ont tout de suite parlé. S'en est suivie l'idée de réaliser quelque chose en commun. Et j'ai écrit une histoire qu'elle a eu la gentillesse d'illustrer.

En voici le premier volet. ( il y en aura quatre )


AMANDINE




– Je vous dérange pas ?
C’était Amandine, la petite étudiante du dessus.
– Pas du tout, non. Entrez !
– Vous allez me trouver d’un sans gêne ! Surtout qu’on se connaît pas beaucoup.
Ça, c’était une évidence. Bonjour-Bonsoir quand on se croisait. Et on en restait là.
– J’ai longtemps hésité. Et puis je me suis dit que vous n’alliez pas me manger. S’il veut pas, il veut pas et puis voilà…
Oui, mais si je voulais pas quoi ?
– M’en prêter, des livres. À ce qu’il paraît que vous en avez des quantités.
– Venez !
Elle a roulé des yeux effarés.
– Tout ça ! Mais combien il y en a ?
– Pas loin de six mille.
– Vous les avez tous lus ?
– La plupart. Bon, mais je vous laisse. Regardez ! Choisissez ! Prenez tout votre temps !
Elle n’a fait sa réapparition que trois heures plus tard.
– J’abuse…
Et en a emporté quatre.
– Je peux ? C’est pas trop ?
Précieusement serrés contre elle.


Elle est revenue souvent. Elle passait un temps fou à côté. Au milieu de mes livres. S’attardait aussi parfois à discuter avec moi. De plus en plus souvent. De plus en plus longtemps.
– Ça me fait du bien. Si, c’est vrai, hein ! Parce que c’est pas souvent qu’on peut parler vraiment avec les types. Ceux de mon âge, à part les jeux vidéos et le sport, il y a rien qui les intéresse. Quant aux plus vieux, eux, une petite jeune, ils vont manœuvrer tout ce qu’ils savent pour coucher avec. Il y a que ça qui compte pour eux. Mais vous, on sent tout de suite que c’est pas pareil. Et puis en plus, ce que vous dites, ça me donne toujours à réfléchir. Si, c’est vrai, hein !

Et, petit à petit, elle est entrée sur la voie des confidences. Des confidences de plus en plus intimes. Sur ses parents, avec lesquels elle ne s’était jamais vraiment entendue. Sa mère, surtout.
– C’est bien pour ça : dès que j’ai pu prendre mon indépendance, tu penses bien que j’ai pas hésité…
Sur ses petits copains.
– Trois, j’en ai eu. En tout et pour tout. Copies conformes les uns des autres. À croire que je suis programmée pour toujours tomber sur le même genre de pièges. Ou qu’ils sortent tous du même moule.
Et sur Aurore.
– Alors là, Aurore…
Elle s’animait. Ses yeux se mettaient à briller.
– C’est une fille extraordinaire. Tu ne peux pas ne pas en tomber amoureuse. C’est impossible.
Elle en était effectivement tombée amoureuse.
– Et pire que ça encore !


Elle venait deux à trois fois par semaine. Elle emportait et remettait en place les ouvrages qu’elle désirait lire. Sans que je vérifie jamais de quoi il s’agissait. Ça ne regardait qu’elle. Sauf que ce mardi soir-là, en se retournant, dans l’entrée, pour me dire au revoir, elle a buté dans la petite table basse, trébuché, voulu se rattraper à la console et a laissé échapper les trois livres qu’elle serrait, avec son coude, contre sa hanche. Elle a eu beau se précipiter pour les ramasser, j’avais eu le temps de les reconnaître. « Osez la fessée » « Guide de la fessée et de la flagellation » « L’étrange passion. »
– Excusez-moi ! Excusez-moi !
Elle s’est enfuie avec sans demander son reste.

Et est revenue le lendemain.
– Qu’est-ce que vous allez penser de moi maintenant !
– Holà ! Beaucoup de mal.
Elle m’a jeté un long regard contrit.
J’ai éclaté de rire.
– Mais non, idiote !
Elle s’est un peu détendue.
– Remarquez, ce que je me suis dit, cette nuit, quand je dormais pas, c’est que si vous les aviez dans votre bibliothèque ces bouquins, c’était pas juste pour décorer. C’est que vous aussi ça vous intéresse. Non ?
– Ben, évidemment.
– Moi, c’est à cause d’Aurore. Elle adore ça m’en mettre. Et comme je peux rien lui refuser…
Elle a semblé contempler quelque chose longtemps, très loin, par la fenêtre.
– Enfin… C’est vrai et c’est pas vrai… Parce que moi aussi, j’aime bien. Surtout après. Quand elle me prend sur ses genoux, qu’elle me câline et qu’elle me console.




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