lundi 31 mars 2014

Le Centre (63)





– Alors ?
– Alors on est deux belles connes… Parce que tu vas pas me dire qu’on n’aurait pas pu s’en douter…
– Se douter de quoi ?
– Ben, qu’elle serait derrière la porte hier soir…
– Elle y était ? Ah, ben oui… Oui… Évidemment… Et on n’y a pensé ni l’une ni l’autre…
– Sauf qu’elle est persuadée du contraire… Que tout ce qu’on a balancé sur son compte c’était délibéré… Sciemment… Pour qu’elle entende…
– Faut reconnaître qu’on a fait fort… Elle en a sacrément pris pour son grade…
– Ce qu’arrange pas mes affaires… Elle est remontée comme une pendule… J’avais vraiment pas besoin de ça… En plus du reste…
– Elle veut toujours que je t’en recolle une ?
– Plus que jamais… Sauf que cette fois, après ce qu’elle a entendu hier soir, elle est décidée à y assister…
– Et t’as accepté ?
– Mais on va pas revenir sans arrêt là-dessus enfin, Jessica ! Dix mille fois on en a parlé… Dix mille fois on a retourné tout ça dans tous les sens… Pour en arriver toujours au même résultat : j’ai pas le choix, j’ai pas le choix et j’ai pas le choix… Je suis obligée d’en passer par où elle veut… Je suis pieds et poings liés… Faut te le dire comment ?
– Te mets pas dans des états pareils… C’est juste une question…
– Excuse-moi ! Elle me rend folle cette meuf… Complètement folle…
– Et ça aurait lieu quand ?
– Ce soir… Tout à l’heure… D’un instant à l’autre on va la voir débarquer… Mais tu tapes, hein ! Tu tapes vraiment…
– De toute façon, tu sais, si elle a envie de trouver que c’est pas assez fort… Que ça va pas… – Je sais, oui…
– Et elle nous fera recommencer… Autant de fois qu’elle aura envie… Ça peut durer… Des semaines et des semaines… Ah, ça tu t’es mise dans une drôle de situation, on peut pas dire…
– Oui, ben tu y as largement contribué, non ?

– Elle viendra plus… T’as vu l’heure ?
– On va attendre encore un peu… On sait jamais… Faudrait pas que…
– Mais pose-toi ! Arrête de tourner comme un lion en cage… Et laisse ce machin ! Tu vas finir par le bousiller…
– Je voudrais t’y voir, toi !
– C’est stressant, je sais bien… Oui, mais bon… D’un autre côté ce serait bien de relativiser… Parce que c’est jamais qu’une fessée… Et c’est moi qui vais te la donner… Comme je t’en ai déjà donné des dizaines…
– Mais ça n’a rien à voir enfin ! Devant elle ça va être… Devant elle… Tu comprends pas que ça n’a rien à voir ?

– Elle t’a dit ? Pourquoi elle est pas venue hier soir… Elle t’a dit ?
– Oui… Enfin non… Elle a rigolé… « Ah, parce que vous m’avez attendue ? Ben non, je suis pas venue, tu vois… Oh, mais je viendrai… Je viendrai… Tu perds rien pour attendre…
– Mouais… Elle va te faire mariner un bon moment comme ça… Et au moment où on s’y attendra le moins…

– Bonsoir… Je passais dans le coin… Alors je me suis dit… C’est elle ? Ta coloc ? C’est Jessica ?
–  Ben oui… Oui… Évidemment…
– Je la voyais pas comme ça… Non… Pas du tout… Bon, mais dites-moi… Vous invertissez un peu les rôles de temps en temps ? Non ? Jamais ? C’est dommage… C’est dommage et c’est pas juste…
– Ça, ça nous regarde…
– Toi, la petite chefaillonne, je t’ai rien demandé… Et je te conseille de le prendre sur un autre ton si tu veux pas aggraver ton cas… Mets-nous ton derrière à l’air, tiens, plutôt… Eh bien, allez ! Qu’est-ce que t’attends ? Et fais-moi voir ta petite frimousse… J’adore la tête que tu fais quand tu te déculottes… C’est un grand moment… Ça vaut son pesant d’or… Bon, ben à toi de jouer, Jessica… Tâche d’être efficace, hein ! Parce que si je suis obligée de prendre moi-même les choses en mains…



– Ouais… Ouais… Tu t’en es pas trop mal sortie… Je suis pas mécontente… Mais j’en ai pas fini pour autant avec vous deux… Je suis loin d’en avoir fini…
 

jeudi 27 mars 2014

La petite vendeuse (12)

– Qu’est-ce vous nous avez préparé de bon ? Faites voir… Mouais… Mouais… Vous vous êtes pas bien forcée, dites donc… Pour dire que vous avez eu toute la matinée… Et vous avez fait quoi à part ça ?
– Rien… Je… Enfin c’est-à-dire si, mais…
– En fait, si je comprends bien, même vous occuper correctement d’une maison vous êtes pas capable… Quand bien même on vous laisse du temps pour ça… C’est pourtant pas bien sorcier…
– Non, mais c’est que…
– Vous avez flâné… Traînaillé… Et vous n’avez pas vu passer l’heure… C’est pas ça ?
– Un peu, si… Non, et puis…
– Et puis vous avez tellement tout laissé aller à vau-l’eau depuis des mois que vous savez plus par quel bout commencer… Bon… Eh bien je vous vous faire une liste puisqu’il faut tout vous mâcher… Un programme… Vous n’aurez plus aucune excuse… Et même… On va s’occuper de ça tout de suite… Que vous sachiez quoi faire de votre après-midi…


Elle s’est débarrassée de ses chaussures… S’est laissée tomber sur le canapé…
– Faites-moi un café, tiens ! Vous serez gentille…
Qu’elle a avalé d’un trait…
– En attendant c’est bien ce que je pensais, hein ! Je m’en sors beaucoup mieux sans vous au magasin… Je suis à ma main… J’ai les coudées plus franches… Non, le mieux maintenant c’est que vous y mettiez plus les pieds… Que je l’arrange ça à ma façon à moi… Que je le dépoussière… Et vous allez voir qu’elles vont encore faire des sacrés bonds les recettes…


– Venez !
Je venais juste de finir de débarrasser la table…
– Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Venez, j’vous dis… Je vais vous faire belle… Encore plus belle que l’autre jour…
– Pourquoi ? On va quelque part ? On va où ?
– Vous verrez bien… Venez !
Dans la salle de bains…
– Enlevez-moi tout ça… Allez, hop, enlevez !
– On va pas retrouver Stéphane au moins ?
– Ah, vous êtes dans vos petits souliers, hein ! Parce que vu l’état dans lequel vous devez avoir le derrière… Faites voir ! Tournez-vous ! Oh, oui, dites donc ! Ça a marqué quelque chose de bien… Vous vous êtes pas loupée… J’imagine trop sa tête à Stéphane quand il va se rendre compte… Oh, mais il va aimer… Je suis sûre qu’il va aimer… Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Rien, mais…
– Vaut mieux… Parce que vous savez ce que vous avez promis pour Stéphane… Que la prochaine fois… Et vous avez intérêt à la tenir votre promesse… Sinon alors là, mais alors là !
Elle m’a tendu des sous-vêtements… Des nouveaux… Vert amande avec de petits liserés foncés…
– Enfilez-moi ça ! Oui… Super…
La robe… Verte aussi… Avec un motif ajouré aux poignets et sur les épaules…
– C’est vraiment la couleur qui vous va le mieux au teint… Et de loin… Bon, mais asseyez-vous ! Que je vous coiffe…
Elle m’a aussi maquillée…
– J’adore… J’adore m’occuper de toi comme ça… T’habiller… Te préparer… Jouer à la poupée en fait… Tu es ma poupée… Une vraie poupée… Une poupée en chair et en os…


– Là ! Vous êtes magnifique… Bon… Eh bien il y a plus qu’à y aller… Il a horreur d’attendre Stéphane…
Sur le pas de la porte elle s’est ravisée…
– Et puis non finalement… Non… On va rester là…
– Mais…
– Stéphane ? Il nous attend pas Stéphane… Pas ce soir…
– Mais alors ?
– Mais alors je vous ai faite belle pour le plaisir… Juste pour le plaisir…

lundi 24 mars 2014

Le Centre (62)



– Alors là elle peut toujours courir…Tu sais ce qu’elle veut ?
– Non… Quoi ? Dis !
– Que tu m’en mettes une et que le lendemain je lui montre les marques… Dans mon bureau elle veut que ça se passe en plus ! Non, mais t’imagines ?
– La garce !
– Jusqu’à mercredi elle me donne… Pas un jour de plus…
– Sinon ?
– Sinon elle lâche le morceau…
– Tu vas faire quoi ?
– Rien du tout… Tu te figures quand même pas que je vais baisser mon froc devant elle… Manquerait plus que ça…
– Oui, mais alors…
– Tais-toi ! Je t’en supplie, tais-toi !

– Bon, allez !
– Allez, quoi ?
– Colle-m’en une ! On est mercredi demain…
– Mais je croyais que…
– Que quoi ? C’est ça ou je vais être la risée de toute la boîte… Je les vois d’ici les Maxime Grosjean… les Stéphanie Buron… les Claire Magon… Ah, ils vont s’en donner à cœur-joie… Alors à choisir…

– Tu vas faire la gueule longtemps ?
– Je fais pas la gueule…
– Je sais pas ce qu’il te faut ! C’est l’autre ? C’est la Mélanie, hein ?
– Évidemment que c’est elle… Qui veux-tu que ce soit ? Elle a été odieuse…
– Vide ton sac… Ça te fera du bien…
– Dix fois elle a déboulé dans mon bureau… Sous un prétexte… Sous un autre… Sans jamais me parler de rien… Il y a qu’à midi… Là elle a fermé la porte à double tour… « Tu vois que je sais être discrète quand je veux… » Et elle m’a virée de mon fauteuil… « C’est ma place aujourd’hui… » S’y est confortablement installée… « Alors ? On s’est montrée raisonnable ? On s’est gentiment laissé donner panpan-cucul ? » Et elle a éclaté de rire… « Tu verrais ta tête ! J’adore… Un bon moment je vais passer… Je sens ça… » J’ai explosé… « Bon, allez, finissons-en ! » « T’es bien pressée… On a tout notre temps… Et puis c’est pas tous les jours qu’on a la chance d’avoir un « petit chef » tout fraîchement chef à sa merci comme ça… Faut que je savoure… » Elle s’est levée… Est allée jusqu’à la fenêtre… Où elle est restée un long moment à regarder dehors… Elle est venue se rasseoir… « Je savais que j’y arriverais… Moi, quand on me cherche… Je savais qu’à force de patience et de persévérance j’y arriverais… Faut dire aussi que j’en ai passé du temps sur ton palier… Des heures et des heures… C’était très instructif… Et, soit dit entre nous, il est très mal insonorisé ton appart… Mais tant mieux ! Tant mieux ! Ça m’a permis d’apprendre des tas de choses… Vraiment des tas de choses… Bon, mais allez, je te sens impatiente de te déculotter… Eh ben vas-y ! Qu’est-ce t’attends ? »
Je lui ai tourné le dos…



– « Oui… Non, mais plus bas ! Ça vaut pas sinon… Là… Comme ça, oui… Mouais… Mouais… Non, mais tu te fiches du monde… Il y a rien… Quasiment rien… » « Ce sera parti… Ça se sera effacé dans la nuit !… » « Ben voyons ! Elle y a pas mis beaucoup de bonne volonté ta coloc plutôt oui… Bon, mais ça fait rien ! Vous allez recommencer… » « Alors ça il en est pas question… » « Oui, ben c’est ce qu’on va voir… » « C’est tout vu… Et s’il faut que je porte plainte… je porterai plainte… » « Tu sais très bien que tu le feras pas… T’aurais beaucoup plus à y perdre qu’à y gagner… Et puis plainte pour quoi ? Diffamation ? J’ai toutes les preuves de ce que j’avance… » « Pour chantage… » « T’as pas peur du ridicule… Allons, Stéphanie, allons ! Tu sais très bien que tu as tout intérêt à ce que ça reste entre nous tout ça… À ce qu’il y ait le moins de monde possible au courant… D’autant que je pourrais soulever d’autres lièvres… Madareille par exemple… Entre autres… »
– Quelle salope ! Non, mais alors là quelle salope !
– Elle me tient… Je peux bien retourner la question dans tous les sens elle me tient…
– Il doit bien y avoir une solution quand même…
– Laquelle ?
– Je sais pas, moi ! On a pas le droit d’écouter comme ça aux portes …
– Tu connais une loi qui l’interdit ?
– C’est dégueulasse… C’est vraiment dégueulasse…
– Elle l’emportera pas au paradis… T’inquiète pas qu’elle me paiera ça… Et cher… Très cher…