jeudi 31 décembre 2009

Escobarines: La leçon de piano





- Bon, allez, chut !… On reprend… Tu sais ce qu’elle a dit !… Que si on savait pas le morceau sur le bout des doigts à son retour elle nous en mettait une autre… Tu crois qu’elle le fera vraiment ?…
- Elle nous aurait pas fait rester déculottées sinon…
- Bon alors on se dépêche… Avant qu’elle revienne… Allez, on recommence du début… Mais non, sol dièse !… Sol dièse… Tu le fais exprès, c’est pas possible…
- Ca me gave ce truc…
- N’empêche que je croyais pas quand même pas qu’elle nous en collerait une !…
- Moi, si !… Je la connais depuis le temps… Quand elle dit quelque chose…
- Ca fait longtemps que tu l’étudies le piano avec elle ?…
- Quatre ans… Presque cinq…
- Comment tu fais pour être aussi nulle alors ?!… Parce que presque toutes les fautes c’est toi qui les as faites…
- Tout le monde peut se tromper…
- Oui, mais en attendant je me suis ramassé une fessée à cause de toi…
- Ca t’a fait mal ?…
- Ben oui, quand même !…
- Ca te brûle ?… Fais voir!… Oh oui, elle est toute chaude… Mais moins que la mienne…
- Alors ça ça m’étonnerait !…
- Si !… Tiens, tâte !… Ah, tu vois !…
- Oui… Non… C’est pareil… A quelque chose près…
- Mais c’est rien à côté de ce que ça va être tout à l’heure si on sait pas le lui jouer son morceau !…
- Bon, mais alors vite !… Vite !… Allez !… Un… Deux… Trois… Oh, zut !… C’est moi cette fois… On n’y arrivera jamais…
- C’est pas la peine… Laisse tomber… On n’aura pas le temps de toute façon…
- Et on va encore s’en ramasser une… C’est gai !…
- Ca fait rien… Tu sais quoi ?… J’espère que ça va pas te fâcher, mais comment j’ai aimé ça te voir la recevoir tout à l’heure… Pourtant t’es pas la première, hein !… Il y en a au moins cinq ou six déjà à qui elle l’a fait devant moi… Mais toi !… Je peux pas te dire comment ça m’a bouleversée à l’intérieur…
- A cause de quoi ?…
- Je sais pas… Ta façon de gigoter des jambes ou ces espèces de petits cris de souris que tu poussais… J’avais jamais entendu ça comme ça… Plein de choses en fait… Et toi ?… Tu as aimé me voir la prendre ?
- Oh non, non !… Enfin si !… Un peu quand même… Mais pas beaucoup… Presque pas…
- Je sais pas si c’est d’en parler, mais en tout cas comment ils pointent tes seins !…
- C’est parce que j’ai un peu froid…
- Laisse-toi aller contre moi alors… Que je te réchauffe… Et eux aussi… Eux surtout… T’as vu ?… Ils tiennent complètement dans ma main… Comment ils sont attendrissants tout petits comme ça… Comment ça donne envie de les cajoler… D’être toute tendre avec… D’y poser la joue… Comme ça… Ce qu’ils sont doux !… On dirait du duvet…
- Arrête !… S’il te plaît, arrête !…
- Hein ?!… Mais pourquoi ?…
- Parce que… Ca me fait des choses…
- Et alors ?… T’aimes pas ça que ça te fasse des choses ?…
- Si, si !… Oh, si !… Mais… Mais si elle arrive l’autre ?…
- Il y a pas de risque… Quand elle part comme ça il y en a toujours pour des heures…
- On sait jamais…
- De toute façon c’est pas elle que ça va choquer… Tu l’as pas vu le tableau au-dessus du piano ?…
- Si, bien sûr que si !… C’est même la toute première chose que j’ai remarquée le premier jour en arrivant… Pourquoi elle a été mettre ça là ?…
- Parce qu’elle apprécie les œuvres d’art… C’est beau deux femmes qui s’aiment, non, tu trouves pas ?…
- Elles s’aiment pas… Elles dorment…
- Après s’être aimées…
- Comment tu respires vite !…
- C’est toi !… C’est à cause de toi… Si tu savais comme tu me donnes envie !… Laisse-moi faire !… S’il te plaît, laisse-moi faire !… Oh, s’il te plaît!… Je t’en supplie…

Elles ont glissé sur le tapis. Et elle l’a laissé faire. Descendre à petits coups de baisers piquetés le long des côtes. Remonter. Revenir à eux. En prendre les pointes entre ses lèvres. Les y faire rouler. Repartir. Longer la hanche. Aller séjourner contre la cuisse. En entreprendre l’escalade. Se rapprocher. Se rapprocher encore. Y être…
Elle s’est ouverte…
- Tu as bon goût… Tu as très très bon goût…
Elle s’est abandonnée…

Elles sont restées enlacées…
- Tu m’en veux pas ?…
- Pourquoi je t’en voudrais ?… Comment c’était bon !… J’aurais jamais cru…
- Il y a qu’une femme pour connaître vraiment le corps d’une autre femme… Et lui faire donner tout ce qu’il peut donner…
- Embrasse-moi !… J’aime trop ça quand tu m’embrasses…
Elle a souri…
- Il y est encore mon goût sur tes lèvres… Et sur tes doigts aussi je suis sûre… Fais voir !… Donne !… Qu’est-ce que je disais !… Encore plus même…
Elle en a pris un dans sa bouche. Un autre…
- C’est toi qui pourrais m’en vouloir plutôt… Parce que comment j’ai été égoïste !… Je me suis laissé tout faire… J’ai eu plein de plaisir… Et je me suis même pas occupée de t’en donner à toi…
- La v’là !… La v’là !… Elle est rentrée… Elle est en bas…
Elles ont précipitamment regagné le tabouret…
- Tu veux me faire plaisir ?… Tu veux vraiment me faire plaisir ?…
- Tout ce que tu veux…
- Fais plein de fautes quand on va jouer tout à l’heure… Autant que tu peux… Qu’elle voit bien que c’est toi… Que moi j’y suis pour rien… Et qu’il y ait que toi qui la prenne la fessée…
- Je le ferai… Oui, je vais le faire…

- Bien, alors ces demoiselles !… On leur a laissé tout le temps de travailler… Voyons un peu ce que ça donne !…

lundi 28 décembre 2009

Escobarines: Cousines ( 3 )





- C’est déjà le dernier jour… Demain c’est fini les Vacances…
- Parle pas de ça !… Ca me met un de ces bourdons…
- Faut qu’on en profite… A plein… Qu’on perde pas de temps… Qui c’est qui raconte ?…
- Gladys… Il y a qu’elle qui s’y est pas encore collée…
- Moi ?… Bon… Alors moi… Moi, j’ai profité de ces trois semaines de vacances pour traîner à droite et à gauche… Du moins quand on n’était pas ensemble toutes les trois… Pour faire des connaissances… Pour discuter… Et j’ai rencontré, entre autres, des filles qui travaillent avec Cynthia à sa grande surface là-bas…
- Ah oui ?!… Qui ça ?…
- Aurore…
- Ah !…
- Vous étiez très amies dans le temps… Avant… Vous ne l’êtes plus… Vous ne vous dites même plus bonjour… Vous vous ignorez…
- J’ai pas envie de parler de ça…
- Ce qui peut se comprendre… Si ce qu’elle raconte est vrai…
- Qu’est-ce qu’elle raconte ?…
- Que tu lui as soufflé un mec… Auquel elle tenait beaucoup… Et que t’as fait ça comme une vraie petite garce…
- J’m’en suis assez voulu… Je sais pas ce qui m’a pris… On fait de ces trucs des fois… Je le trouvais même pas beau ce type en plus… J’en avais même pas envie…
- Et pourtant…
- Ben oui, oui… Je sais… J’ai aucune excuse…
- Il s’est passé quoi au juste ?…
- Il s’est passé qu’un soir je suis allé dormir chez elle… Il était là… Au matin elle est partie bosser… Pas moi… Je récupérais… Et je l’ai allumé… Mais vraiment… J’ai pas fait semblant… Et évidemment est arrivé ce qui devait arriver… Pour moi c’était sans conséquence… On se faisait du bien, il fermait sa gueule, je fermais la mienne et tout le monde était content… Ce que j’avais pas prévu c’est que ce con il allait complètement flasher sur moi… Sous prétexte qu’on avait tiré un coup j’étais devenue la femme de sa vie… Le soir même il racontait tout à Aurore… Et il la plaquait pour moi… Elle m’a volé dans les plumes quelque chose de rare… Vous auriez vu ça !…
- Ca se comprend… Moi, ma meilleure copine m’aurait fait un truc pareil je peux te dire qu’elle aurait pas eu assez de ses yeux pour pleurer…
- Ca a été la brouille à mort… Mais le pire c’est que l’autre animal j’arrivais pas à m’en débarrasser… Trois mois il m’a harcelée… Plus de trois mois… Je pouvais plus mettre le nez dehors sans qu’il me tombe dessus… Un vrai cauchemar… Ca lui est passé du jour au lendemain… Sans raison apparente… Mais en attendant avec Aurore c’était devenu à couteaux tirés… Non seulement on se parlait plus, mais chaque fois qu’elle pouvait m’en faire une, que ce soit au boulot ou ailleurs, j’y avais droit… J’ai essayé d’avoir une explication avec elle… Plusieurs fois… Il y a jamais eu moyen… C’était non… Toujours non… Elle avait rien à me dire… Et que je dégage… Moins elle me voyait et mieux elle se portait… Je peux pas lui en vouloir… Tout est de ma faute… A 100% de ma faute… Mais c’est con… C’est vraiment con… Parce qu’on s’entendait super bien toutes les deux… On avait plein de choses en commun… On était très complices, mais bon…
- Peut-être que de son côté à elle aussi, maintenant que du temps a passé, que les blessures se sont en partie cicatrisées…
- Ca alors là ça m’étonnerait…
- Et pourtant…
- Elle t’a dit quelque chose ?…
- Qu’il y avait aucun mec qui valait la peine qu’on se prenne la tête et qu’on s’engueule pour lui… Que tu t’étais comportée comme une vraie salope, oui, mais que ça la gavait que vous vous tiriez la tronche comme ça depuis des mois et qu’il fallait savoir finir par passer l’éponge…
- S’il ne tenait qu’à moi !…
- Si tu acceptes de lui demander pardon…
- Je vois pas comment je pourrais lui refuser ça…
- Et d’être punie devant elle…
- Punie ?… Comment ça punie ?…
- Tu veux pas qu’on te fasse un dessin ?
- Oui, mais alors ça…
- C’est quand même pas toi que ça va déranger ?!…
- Devant elle, si !… Parce qu’il s’est passé des choses un jour…
- Quelles choses ?…
- Mais je vais le faire quand même… Oui, je vais le faire quand même…

- Quelle heure elle avait dit ?…
- Trois heures…
- Il en est presque quatre… Elle a peut-être changé d’avis ?
- Mais non !… Sois pas impatiente comme ça… Elle a décidé de te faire attendre un peu… De te laisser sur le gril… C’est de bonne guerre… Après ce que tu lui as fait… T’as bien mis une culotte rouge, hein ?…
- Oui…
- C’est quelque chose sur quoi elle a beaucoup insisté… Il paraît que tu sais pourquoi… Pourquoi ?…
- Oh, c’est une vieille histoire… Ce serait trop long à raconter…
- On a le temps…
- Ca le rendait fou Martial les sous-vêtements rouges… C’est ce que j’avais mis le matin où… Achetés de la veille… C’est pour ça : elle a toujours cru que j’avais prémédité mon coup… Alors que je peux vous jurer…
- Oh, tu sais, nous, ça nous est un peu égal…
- Complètement même…
- La v’là !… Oui, la v’là !…

Elle s’est assise sans un mot, a allumé une cigarette, en a soufflé la fumée dans notre direction…
- Allez-y !…
Elle a regardé Gladys déculotter Cynthia…
- Plus bas !… Encore !… Et soulève-la bien… Comme ça, oui…
J’ai levé le martinet. J’ai cinglé. Une dizaine de coups. Me suis arrêtée…
- Encore !…
Cynthia a gémi. Battu des jambes. Secoué la rête dans tous les sens…
- Encore !…
Plus fort. Plus haut. Eperdûment…
- C’est bon… Ca suffit…
Elle s’est levée, s’est approchée…
- S’il vous plaît, laissez-nous maintenant… Toutes les deux… Et laissez-moi le martinet…

jeudi 24 décembre 2009

Escobarines: Cousines ( 2 )





Gladys a quitté la fenêtre…
- Ca y est… Ca y est… Tout le monde est parti… On est tranquilles pour au moins trois heures… Qui c’est qui raconte ?…
- Toi, si tu veux…
- Ou bien toi, Eloïse…
- Oui, mais moi… Si je raconte des fessées ce sera pas des fessées reçues… Ce sera des fessées données…
- Ca fait rien… Ca peut être bien quand même…
- Ou des fessées que je vais pas tarder à donner…
- Ah oui ?!… A qui ?…
- Peut-être bien à vous… A vous deux…
- A nous ?!… Pourquoi à nous ?…
- Et elles demandent pourquoi !… Vous avez la mémoire courte, hein !… « La liseraie »… Ca vous dit rien ?…
- Ben si, si !… C’était la boîte où on allait danser quand on était en vacances chez grand mère…
- Et il s’y est passé quoi à « La liseraie » ?
- On y a pris de ces cuites !…
- Oui, mais à part ça ?…
- A part ça c’était plutôt nul… Les types, c’était vraiment pas le pied…
- Ca vous empêchait pourtant pas d’en lever…
- Oui, oh, tu parles !… Un tous les tournants de lune…
- Et pour ce que ça durait !…
- En attendant, avec vos histoires, vous me cassiez mes coups…
- Ah oui ?!… Quand ça qu’on t’a cassé ton coup ?... On s’rappelle pas…
- Moi si !… Un type beau, mais beau !… Ca faisait trois semaines que j’en étais amoureuse folle…
- Et on te l’a soufflé… C’est pas moi, je m’en souviendrais…
- Ni moi… C’est pas mon style…
- Trois semaines que je faisais des pieds et des mains pour attirer son attention… Pour croiser son chemin… Trois semaines que je le gratifiais de mon plus beau sourire…
- Ah oui, si, ça y est, j’me rappelle…
- Et ce soir-là…
- La mayonnaise a pris…
- Il m’a invitée à danser… Cinq fois… Dix fois… Il me murmurait des trucs à l’oreille… Qui me rendaient folle… Il se serrait contre moi… De plus en plus près… De plus en plus fort… J’étais dans tous mes états… J’avais envie, non, mais comment j’avais envie… Jamais j’avais eu envie comme ça…
- Ben fallait y aller… Il était où le problème ?…
- C’était vous le problème… J’étais l’aînée… Chargée de vous surveiller… Et de vous rapatrier à une heure raisonnable… Ca vous faisait assez râler… « - A notre âge on sait quand même ce qu’on a à faire… »… Je vous ai jeté un œil… Vous étiez en train de rire et de plaisanter avec tout un groupe de copains et de copines… Je pouvais bien filer… L’emmener jusqu’à ma voiture une petite vingtaine de minutes… Vous ne vous en rendriez seulement pas compte… Ca a été une heure en fait… Plus d’une heure… Presque deux… Deux heures de folie… Deux heures durant lesquelles il m’a rendue éperdûment femme… Deux heures pendant lesquelles…
- Oui, ben passe-nous les détails, tu veux ?… Tu vas nous donner envie… Et on a rien à se mettre sous la dent…
- Un dernier baiser… Et on s’est séparés… Il fallait que je rentre… Que je vous ramène… Mais on allait se revoir… Le lendemain… Et tous les jours suivants… Promis, juré… Je suis revenue dans la salle sur un petit nuage… Ivre de bonheur et tous les sens en feu… Vous étiez où ?… Nulle part… J’ai cherché… J’ai interrogé… On savait pas… Si, finalement, si… Une fille vous avait vu traverser le parking en compagnie de quatre types et vous enfoncer dans le bois… Des types ?… Quels types ?… Elle savait pas… Des types… Ce qu’une autre m’a presque aussitôt confirmé… Quatre, oui… Peut-être même cinq… Et qui avaient vraiment mauvais genre…
- Tu parles !… Deux ils étaient… Chacune le sien… Nous aussi on avait le droit de s’envoyer en l’air…
- Sauf que nous ça a duré nettement moins longtemps… Le mien il m’était seulement pas rentré dedans qu’il avait déjà giclé… Et qu’il avait manifestement plus qu’une idée, c’était de se tirer…
- Le mien il a seulement pas eu le temps d’entreprendre quoi que ce soit… Il était tellement bourré qu’il s’est endormi en m’écrasant à moitié… J’ai eu toutes les peines du monde à me tirer de dessous…
- Du coup on s’est pas attardées toutes les deux…On a filé aussi vite qu’on a pu…
- Oui, et pendant ce temps-là vous imaginez dans quel état d’angoisse je pouvais être, moi ?!… Qu’est-ce qui vous était arrivé ?… Où vous étiez passées ?… Je vous voyais déjà mortes… Violées… Egorgées derrière un buisson… J’ai couru… J’ai cherché… J’ai appelé… Remué ciel et terre… En vain… Quand le jour s’est levé j’ai renoncé… Je suis rentrée, la mort dans l’âme… Il allait falloir dire… Répondre aux questions… Celles de la famille… Des gendarmes… On allait fouiller tout le pays… Ramener vos corps à la maison… Vous étendre sur votre lit, les paupières closes, les mains jointes, le teint cireux… Tout serait – tout était – de ma faute… Autour de la grande table, en bas, il y avait grand-père… Et papa… Et oncle Roger… Et même tante Martine… « - Elles sont où les filles ?… »… Ben justement !… Justement !… J’ai voulu commencer à expliquer… J’ai fondu en larmes… « - Oh, arrête de chialer… Tu n’y couperas pas… Parce que c’est comme ça que tu les surveilles ?… On te fait confiance et toi, tu les laisses rentrer à pied… Toutes seules… En pleine nuit… Il aurait pu leur arriver n’importe quoi… Tu es complètement irresponsable, ma pauvre fille !… »… Mais alors ?!… Alors vous étiez là… Revenues… Vous étiez là-haut… Vous dormiez… J’ai encore pleuré… De joie cette fois… De soulagement… De bonheur… On m’a fait agenouiller sur le canapé, face au mur… Quelqu’un s’est approché avec le martinet, a cinglé…
- Et t’en as pris une bonne…
- Mais ça faisait rien… Ca n’avait pas d’importance… Vous étiez là… Vous étiez revenues…
- Et le type ?… Tu l’as revu ?…
- Non… Sorties en boîte interdites jusqu’à la fin des Vacances… Pour toutes les trois… Et pas question de passer outre… Vous savez comment c’était… J’ai bien essayé de le retrouver en traînant de ci de là dans la journée… En interrogeant à droite et à gauche… Ca n’a rien donné… Il vivait que la nuit de toute façon…
- Peut-être qu’il y aurait plus jamais rien eu… Il avait tiré son coup… Il en aurait plus rien eu à foutre de toi…
- Oh si, si !… J’en suis sûre…
- Vu sous un certain angle c’est vrai que c’est de notre faute… Et sous un autre pas du tout…
- Qu’elle s’en soit pris une, ça, par contre… On aurait pu l’attendre à défaut de pouvoir la prévenir… On est inexcusables… Elle est en droit de demander réparation…
- Il y a pas prescription si longtemps après ?…
- Pas pour ce type de délit… Le canapé est là, les filles… C’est le même… Installez-vous !… Je vais chercher le martinet… C’est le même aussi…

lundi 21 décembre 2009

Escobarines: Cousines ( 1 )





- Allez, Cynthia, raconte !… Et comme il faut, hein, sinon on te loupe pas !…
Et elle m’a caressé les fesses du bout des lanières du martinet…
- Attends !… Attends !… Qu’on l’installe bien… Que je lui coince la jambe avec les miennes… Là… Vas-y !… C’était quand ?… C’était où ?…
- A ma caisse l’an dernier…
- Hou là !… Je sens que ça va donner… Et alors ?
- Et alors il y avait une bonne femme, une vieille – la mère Bonnet, je sais pas si vous la connaissez – qu’arrêtait pas de me narguer… Elle venait tous les jours et fallait à chaque fois qu’elle passe avec moi… Et c’était tout un tas de réflexions… Que j’allais pas assez vite pour enregistrer les articles… Qu’elle était pressée… Qu’elle avait pas que ça à faire… Ou au contraire que j’allais trop vite… Qu’avec son arthrose, vu le temps humide, elle arrivait pas à suivre le rythme… Elle épluchait les notes… Je m’étais pas trompée là ?… J’étais sûre ?… Vaudrait peut-être mieux qu’elle aille voir à l’accueil… Parce qu’avec moi !… J’étais réputée pour me tromper plus souvent qu’à mon tour… Etc, etc… Elles savaient pas comment je faisais les autres filles… « - On t’admire… Comment t’arrives à garder ton calme ?… Ce serait de nous ça volerait… On peut te dire que ça volerait… »… Il fallait surtout pas… Elle attendait que ça… Elle faisait tout pour ça… Je restais impassible… Ca glissait comme sur les plumes d’un canard… Ca l’exaspérait… Et elle en rajoutait une couche… Elle s’était juré – ça se voyait gros comme le nez au milieu de la figure – de me faire craquer… Elle a fini par y arriver… La veille de Noël… Il y avait un monde fou et elle me bloquait ma caisse… Pour une histoire de chocolats et de remise offerte sur une boîte et pas sur l’autre… Ca durait… Ca durait… J’ai pas pu m’empêcher… « - Vous me faites chier !… - Oh !… »… Et elle s’est mise à hurler comme une possédée, les yeux exorbités… Non, mais comment on traitait les clients là-dedans !… C’était un scandale… Elle voulait voir le patron… Qu’on l’appelle !… Tout de suite !… Ca s’est terminé au bureau… Où j’ai dû, à contrecoeur, lui faire des excuses qu’elle a acceptées du bout des lèvres… Monsieur Lacerre l’a raccompagnée en lui faisant tout un tas de courbettes, est revenu… « - Mais enfin, Cynthia, qu’est-ce qui vous a pris ?… Vous qui êtes une employée exemplaire d’ordinaire… »… J’ai essayé d’expliquer… Le harcèlement quotidien… Les petites piques sournoises… Il m’a arrêtée d’un geste impérieux de la main… « - Ca ne m’intéresse pas… Quelles que soient les circonstances le client a toujours raison… Vous devriez le savoir depuis le temps… Je veux bien passer l’éponge pour cette fois, mais à la prochaine incartade vous n’y couperez pas… Vous serez punie comme vous le méritez… »… J’ai levé sur lui un regard interrogateur… Il a haussé les épaules… « - Une fessée évidemment !… Dans votre cas c’est ce qu’il y a de plus approprié… Non ?… Vous n’êtes pas de cet avis ?… »… A ma grande stupéfaction je me suis entendu répondre que si… Un tout petit si, timide et hésitant, presque inaudible, mais un si quand même… « - Eh bien voilà !… Tout le monde est d’accord… » Et il m’a congédiée du revers de la main… Je peux pas avoir un verre d’eau ?…
- Si, tiens !… Et alors ?… Après ?…
- Après comment je me suis trouvée conne !… Qu’est-ce qu’il devait penser de moi que j’aie pas refusé ?… Que j’aie même pas protesté… Chaque fois que je le croisais je piquais un de ces fards !… Et l’autre évidemment elle revenait… Avec un de ces petits airs de triomphe… Une vraie tête à claques… Et toujours ces petites réflexions, ces incessantes provocations pour essayer de me faire sortir de mes gonds… Je devais me mordre les lèvres pour ne pas répondre… Un mois ça a duré… Plus d’un mois… Jusqu’au jour où… « - Je t’ai croisée hier boulevard Voltaire… »… Le tutoiement… Ce tutoiement… Insupportable dans sa bouche à elle… « - Oui, je t’ai croisée… Tu as fait semblant de pas me voir… Pour éviter d’avoir à me saluer, j’imagine… - Je n’étais pas en service… - En service ou pas la moindre des politesses quand on croise une cliente c’est de lui dire bonjour… Mais tu avais probablement beaucoup mieux à faire… Vu ta tenue… Tu étais en chasse, je suppose ?… - Ma vie privée ne regarde que moi… - Alors il ne faut pas l’exposer au grand jour… Quand on s’affiche, simultanément ou à tour de rôle, avec la moitié des mâles du pays il ne faut pas s’étonner si ça fait jaser… - Oui, oh ben c’est pas vous qui risquez de vous afficher avec qui que ce soit… Avec la gueule et le caractère que vous avez… - Quelle petite conne tu fais !… »… Et elle m’a giflée… Une grande gifle qui a fait se retourner tout le monde… Je la lui ai rendue sa beigne… Aussi sec… D’instinct… Sans réfléchir… Elle a filé tout droit vers le bureau… Sans un mot… Ca n’a pas loupé… Cinq minutes plus tard Corinne débarquait à ma caisse… « - Monsieur Lacerre t’attend… Et il est dans une de ces colères contre toi !… Un conseil : le fais pas attendre… Vas-y !… Je te remplace… »… « - Ferme la porte !… »… C’est tout ce qu’il a dit… Rien d’autre… Juste ça : ferme la porte… Il m’a prise par le coude et il m’a emmenée derrière son bureau… Il a reculé sa chaise… Il m’a couchée en travers de ses cuisses… « - Pas devant elle !… S’il vous plaît, pas devant elle, je vous en supplie… »… Mais il n’a rien écouté… Il a dégrafé ma jupe qu’il a fait tomber par terre… Il a tiré un grand coup sur ma culotte qu’il m’a baissée jusqu’aux genoux… J’ai voulu mettre mes mains… Il les a emprisonnées dans l’une des siennes… « - C’est pas le moment d’en rajouter… Tiens-toi tranquille !… » Et il m’a mis la fessée… Mais alors une de ces fessées comme j’en avais jamais reçu… C’était que sa paume pourtant, mais t’avais l’impression qu’il tapait avec je sais pas quoi… Que ça pouvait pas être que ça, c’était pas possible… Elle s’était approchée l’autre… Tout près… Et elle s’était placée de façon à bien pouvoir me voir la figure en même temps que le reste… Du coup je relevais pas la tête… J’essayais… Parce que c’était plus fort que moi : je voulais voir si elle regardait… Evidemment qu’elle regardait… Et pas qu’un peu !… Et avec un air, mais un air !… T’aurais cru qu’elle allait jouir par moments…. Quand ça a été fini elle m’a tranquillement regardée me reculotter et puis elle a remercié monsieur Lacerre… « - Espérons que ça lui aura servi de leçon… Qu’elle va changer de comportement… Quoique… Avec elle… Mais comptez sur moi !… Je vous tiendrai au courant… »

Eloïse était persuadée que j’avais tout inventé…
- Jamais un directeur il irait faire un truc pareil… Il prendrait bien trop de risques…
- Oh, alors ça !…
Parce que Gladys, elle, elle était convaincue du contraire…
- Si c’était pas réel elle aurait fantasmé jusqu’au bout… Elle se la serait fait donner devant tout le monde, les autres caissières, les clients, en plein magasin…

Bon, alors ?… C’était vrai ou pas ?
- Non… Non… Bien sûr que non…
- Sûr ?… Ca avait tellement l’air de l’être !…
- Peut-être qu’elle a pas envie qu’on sache que ça s’est vraiment passé ?…
- De toute façon, dans un cas comme dans l’autre, elle a intérêt à préparer ses fesses… Parce que ou bien ça a vraiment eu lieu et elle nous ment… Ca mérite… Ou bien c’est tout imaginé et faut vraiment être complètement tordue pour aller inventer des trucs pareils… Ca mérite encore plus… Non ?… T’es pas de notre avis ?…
Oh si, que je l’étais !… Si !… Et comment !…
- Eh bien voilà !… Tout le monde est d’accord… Comme disait ton bon monsieur Lacerre…

Elle a levé le martinet. L’a abattu…

jeudi 17 décembre 2009

Escobarines: Heureux événement





- Qu’est-ce qu’il y a, Cedric ?… T’en fais une tête !…
- Il y a… Il y a qu’ils m’envoient en Azerbaïdjan… Pour six mois… Je peux pas refuser… Ou alors je saute !… Et je peux pas t’emmener non plus… Ils veulent rien entendre…
- Six mois, c’est quand même pas la mer à boire… Surtout quand on pense à tout ce que ça peut t’apporter… A tout ce que ça peut nous apporter…
- Je sais bien, mais…
- Tu pars quand ?…
- Le 15… Tu vas faire quoi, toi ?… Rester ici toute seule ?…
- S’il y a pas d’autre solution, mais ça m’enchante guère… Tu crois que tes parents accepteraient de m’héberger ?…
- Mes parents ?… Tu parles !… Ils vont être ravis… Ils t’adorent…

On est restées toutes les deux, sa mère et moi, le nez en l’air jusqu’à ce que l’avion ait disparu… On est retournées lentement jusqu’à la voiture…
- Bon… Eh bien voilà… Ca va ?… T’es pas trop triste ?…
- Si… Non… Si… Forcément…
J’ai allumé une cigarette…
- Fume pas trop quand même !… Je te regarde faire depuis tout à l’heure… C’est impressionnant… Et dis-moi… Il fait beau… Si on partait une petite semaine à la campagne toutes les deux ?… A Racines ?… Tu connais… C’est pas le grand confort, mais ça nous changerait les idées… A toi comme à moi… Et ici Paul est parfaitement capable de se débrouiller tout seul…

- Ca y est ?… Tu t’es installée là-haut ?… T’as tout ce qu’il te faut ?… C’est la chambre de Cedric que je t’ai donnée… Celle de quand il était ado… Il y a encore tous ses posters et ses photos au mur…
- Faut que je vous dise… Je suis enceinte…
- Hein ?… Mais c’est merveilleux, ma chérie… Et tu sais ça depuis quand ?…
- Tout à l’heure… Tout de suite… Je viens de faire le test…
- Cedric est au courant ?…
- Non… Je cours l’appeler…
- Il va être fou de joie…

- Je me fais une tisane… Tu en veux une ?…
- Non… Merci, non… Je vais plutôt aller profiter un peu de la douceur du soir sur la terrasse… Il fait tellement bon…
Des martinets se poursuivaient haut dans le ciel… Une chauve-souris faisait obstinément du rase-mottes autour de la maison…
- On a été bien inspirées, hein ?!… C’est idyllique… Mais souvent en juin…
J’ai sursauté. Je ne l’avais pas entendue approcher. J’ai précipitamment écrasé ma cigarette sous mon talon…
- Tu vas arrêter ça maintenant, je suppose, avec le bébé ?…
- Oui… Oui… C’était la dernière… J’arrête…

Elle est descendue un peu après huit heures… Elle a avalé son café au lait sans desserrer les dents et s’est furieusement lancée, sourcils froncés, dans l’épluchage des pommes de terre… J’ai pris mon courage à deux mains…
- Il y a quelque chose qui va pas ?
- Ah oui, il y a quelque chose qui va pas, oui… Soi-disant que c’était la dernière sur la terrasse hier soir… Mais t’en as fumé combien après dans ta chambre ?… Tu crois que ça se sent pas avec les fenêtres ouvertes ?… Tu me prends pour une idiote ?…
- Oui, mais non, mais…
- Tu es complètement irresponsable… Complètement… Et ton bébé, c’est toute sa vie qu’il va devoir en supporter les conséquences… Payer parce que sa mère se sera montrée incapable de faire preuve d’un minimum de volonté… Si t’étais ma fille je t’assure que ce serait vite vu… Tu te prendrais une de ces fessées !… 22 ans ou pas… Parce que les gamines dans ton genre !…
- Non, mais je vous promets… Je vous promets que…
Elle est partie en claquant la porte…

Au retour elle me l’a jeté, avec un soupir, sur la table de la cuisine…
- Tiens, tu liras ça… Et tâche d’en prendre un peu de la graine…
Je l’ai sorti du sachet… « Grossesse et tabac » par le professeur Dunod…

- Allo ?!… Tu m’entends ?… Tu m’écoutes ?…
- Mais oui, Cedric, oui…
- C’est important… Très… Maman m’a dit… Il faut que tu arrêtes… Absolument… Pense à nous… Pense à notre bébé… Tu ne voudrais quand même pas que…
- Bien sûr, Cedric , bien sûr !… Je fais tout ce que je peux… Mais c’est dur, tu sais !… C’est tellement dur…
- Pleure pas, ma petite puce !… Pleure pas !… Tu vas y arriver, tu vas voir !… Passe-moi maman, tiens !…

- Mais bien sûr que je vais t’aider… On va tous t’aider… De notre mieux… Et pour commencer tu vas aller me chercher tout ce qu’il te reste de cigarettes et de briquets là-haut… Et ne triche pas, hein !…
- Non, oh non !…
Je suis redescendue quatre à quatre. J’ai tout déposé devant elle, sur la table de la cuisine. Les deux cartouches d’avance. Celle qui était entamée. Le paquet ouvert. Les deux briquets…
- Tu risquais pas de tomber en panne, dis donc !…
Elle a tout emporté…
- Et bien entendu à partir de maintenant tu ne sors plus seule… La tentation serait beaucoup trop forte…

Ca m’a réveillée au petit matin. L’envie. Le besoin. D’en avoir une entre les doigts. D’en aspirer la fumée. De l’avaler…
Je n’ai pas pu me rendormir. Je suis allé marcher sur la terrasse. Longtemps de long en large. Et puis sur le petit chemin en contrebas de la maison. Plus loin encore. Dans la direction du village. Jusqu’au village. Jusqu’au café. Qui venait tout juste d’ouvrir…
- Vous pourriez pas me dépanner d’un paquet de cigarettes ?

J’en ai fumé une. Avidement. Une deuxième. Sur le chemin du retour. Une troisième, avant d’arriver, accoudée au parapet du petit pont de pierre. Et puis j’ai doucement caressé mon ventre et j’ai éclaté en sanglots…

Elle venait de se lever…
- Mais tu as pleuré !… Qu’est-ce qui se passe ?
- Empêchez-moi !… Je l’ai fait… S’il vous plaît, empêchez-moi !… Je veux pas !… Mon bébé… Faites ce que vous voulez, mais empêchez-moi !…
- Viens !…
Je l’ai suivie. Elle a poussé la porte de ma chambre, l’a refermée sur nous, s’est assise sur mon lit…
- Enlève le bas !… Juste le bas…
Elle m’a regardée faire…
- Tout le bas !… Oui, oh, s’il te plaît, tu ne vas pas te donner ce ridicule-là… En plus !…
Et j’ai retiré ma culotte…
- Eh bien !… Qu’est-ce que tu attends maintenant ?… Approche !…
Un pas. Juste un pas. Elle m’a foudroyée du regard. Un autre. Elle m’a empoignée par le coude, fait basculer, allongée, emprisonnée entre ses cuisses. Une main s’est enfoncée au creux de mes reins et l’autre a tapé. Fort. Elancée de haut. A coups espacés. Réguliers. Quand j’ai crié elle ne s’est pas interrompue. Quand j’ai supplié non plus. Ca a été seulement quand elle l’a voulu…
- Là… Et maintenant si tu recommences tu sais ce qui t’attend…

lundi 14 décembre 2009

Escobarines: Le château





- Tu m’emmènes où ?… Depuis le temps qu’on roule…
- Je te l’ai dit : c’est une surprise…
- On va chez un couple, hein ?… Des échangistes… C’est ça ?!… Franchement j’en ai un peu marre… Parce que c’est toujours la même chose finalement… Chaque fois tu te dis que ça va être différent… Inattendu… Surprenant… Et chaque fois t’es déçue… A croire qu’ils sont tous tristement façonnés sur le même modèle… Ou qu’ils se donnent le mot… Hé !… Tu vas où par là ?…
- Là-haut…
- Mais c’est un château !…
- Toi qui voulais de l’inattendu…
- Et un vrai en plus… Pas un qui fait semblant… Non, mais regarde-moi ça !… C’est de la folie… Tu sais ce que tu fais, Pierre ?… T’es sûr de toi ?… Tu vas pas nous entraîner dans une galère ?…
- Il n’y a aucun risque… Aucun danger… Par contre tu te laisses faire… Tu t’abandonnes… Tu ne poses pas de questions… Si tu veux y trouver ton compte… Je sais ce que tu aimes depuis le temps…

Ils ont contourné la façade brillamment illuminée, frappé à une petite porte latérale. Un valet en livrée est venu leur ouvrir, l’a cérémonieusement débarrassée de son manteau qu’il a suspendu, avec précaution, dans un grand placard mural…
- Si Madame veut bien me confier sa robe…
Elle lui a jeté un regard stupéfait. Un autre à Pierre qui, d’un clignement de paupières, lui a fait signe d’accepter. Elle a haussé les épaules, obtempéré. Sans un mot le valet a encore tendu la main. Et sans un mot elle lui a tendu sa culotte et son soutien-gorge…
- Ce que tu me fais pas faire !…
- Tu adores !… Ose dire le contraire…

- Madame et Monsieur Delmont !…
Claironné d’une voix de stentor. Et il s’est effacé pour les laisser passer. Toutes les conversations se sont interrompues. Tous les regards ont convergé vers eux. Un homme entre deux âges, en costume d’époque, s’est précipité, penché pour lui baiser la main…
- C’est un véritable bonheur, chère Madame, de vous compter enfin parmi nous… Depuis le temps que je suppliais votre mari de nous faire faire votre connaissance…
Il lui a tendu une coupe de champagne. La salle était immense, uniquement éclairée par des dizaines et des dizaines de candélabres disposés sur les meubles ou fichés dans les murs…
- Vous vivez dans un cadre magnifique !…
- N’est-ce pas ?… Venez !… Je vais vous présenter…
A une multitude de barons poudrés inclinés. De marquises à éventail tout sourire. Elle ne s’est pas départie du sien…
- Vous vous sortez remarquablement bien de cette première épreuve… Il n’est jamais simple d’être nue au cœur d’une société de gens habillés…
- Première épreuve ?… C’est donc… qu’il y en aura d’autres ?
- Bien sûr !… Votre mari ne vous a pas dit ?… C’est le protocole classique d’initiation… Entrer dans notre groupe se mérite… Mais une fois qu’on en fait partie… Vous dansez ?… Le menuet… Vous savez le danser ?… On vous apprendra… C’est indispensable…
Il s’est éloigné.

- S’il vous plaît…
Il a réclamé le silence…
- S’il vous plaît… Nous comptons aujourd’hui – vous l’aurez tous remarqué – un nouveau couple d’amis… Mais vous aurez également remarqué que la tenue dans laquelle Madame Delmont s’est présentée devant nous est, à proprement parler, inacceptable…
Tout le monde a bruyamment approuvé…
- En conséquence il s’avère indispensable, avant de l’accueillir définitivement parmi nous, de sanctionner tout d’abord comme il se doit un tel manquement aux règles de la bienséance… Je propose donc qu’on applique la procédure habituelle et qu’on lui administre une fessée amplement méritée… Qui est pour ?
Une forêt de mains s’est levée…
- Qui est contre ?
Personne…
- Et vous, Madame Delmont, quel est votre sentiment ?… C’est parfaitement justifié, non, vous ne trouvez pas ?…
Elle a acquiescé. D’un hochement de tête…
- Parfait !… Venez !…

En travers de ses genoux. Quelqu’un s’est emparé de ses mains qu’il a emprisonnées. Tout le monde a fait cercle autour d’eux. Il s’est montré méthodique. Scrupuleux. D’abord à cœur de fesses. Energiquement. A grandes claques espacées. Et puis le pourtour. En rond. En commençant par la gauche. En remontant. Au-dessus. En redescendant par la droite. En-dessous. Et puis à nouveau au centre. A nouveau sur le pourtour. Interminablement. Elle n’a gigoté qu’à la fin. Et crié. Beaucoup crié…

Des femmes l’ont emmenée, fait étendre sur un lit gigantesque…
- Tu es des nôtres maintenant… Tu es des nôtres… Et quand on est des nôtres le premier soir… Mais tu vas voir… Tu verras…
Elles se sont éloignées avec des mines de conspiratrices, ont refermé la porte, l’ont laissée seule. Elle a fermé les yeux. Ca irradiait délicieusement partout. Dans les cuisses. Dans le bas-ventre. Dans les reins. Jusque dans les seins. Dans la nuque. Elle était bien. Si bien…

Il y a eu tout un remue-ménage dans le couloir. On est entré. L’une des femmes de tout à l’heure. Avec des hommes. Plein d’hommes. Tous les hommes. Qui se sont rangés en cercle autour du lit. Elle s’est penchée sur elle…
- Tu choisis… Ceux que tu veux… Tous ceux que tu veux… Pour en faire ce que tu veux…
Celui-ci. Celui-là. L’autre. Non. A droite. Pas le blond. Le frisé tout mignon. Et puis le rugbyman. Allez, encore un !… Ce sera tout. Non, merci, ce sera tout. Elle a emmené les autres.

Cinq. Elle en avait retenu cinq. Qui, sur un signe d’elle, se sont prestement déshabillés. Rangés autour d’elle…
- Plus près… Venez plus près… Tout au bord…
Ils ont obéi. Elle a touché – caressé – des torses. Laissé glisser ses mains contre des fesses. Posé ses lèvres sur des cuisses. Plus haut…
- Venez !… Venez tous !… Occupez-vous de moi…
Ils l’ont rejointe sur le lit. Elle s’est abandonnée…

jeudi 10 décembre 2009

Escobarines: Chambre d'étudiante





- C’est qui ?…
- Laurence…
- Qu’est-ce qu’il y a ?… Qu’est-ce tu veux ?… Je dors…
- T’auras tout le temps de dormir après… J’ai deux mots à te dire… T’es allé lui raconter quoi à Philippe ?…
- A Philippe ?… Rien du tout… Il y a une éternité que je l’ai pas vu…
- C’est pas ce qu’il m’a dit… Et il prétend que tu m’aurais raconté que vous avez couché ensemble… Tu sais très bien que si tu étais allé inventer une salade pareille j’en aurais pas cru un seul mot…
- On s’est pas compris… Je lui ai juste demandé si vous vous sépariez parce que tu croyais qu’il y avait eu quelque chose entre nous…
- Tu le sais très bien pourquoi on s’est séparés… Alors je vois pas pourquoi tu éprouves le besoin d’aller mettre ta pagaille comme ça…
- J’ai pas mis la pagaille…
- Ah non ?… Je sais pas ce qu’il te faut… De toute façon c’est toujours la même chose avec toi : il faut que tu fasses ton intéressante… Quoi qu’il se passe, quoi qu’il arrive il faut que tu occupes le devant de la scène… Que tu tires la couverture à toi… Tu ferais battre des montagnes… Bon, mais je sais ce qu’il me reste à faire…
- Quoi ?…
- Tu tires la route de ton côté et moi du mien… Moins on se voit et mieux on se porte…
- Tu peux pas faire ça !
- Je vais me gêner !…
- Non, Laurence, non, attends, écoute !… Après tout ce qu’on a traversé ensemble… Tout ce qu’on a vécu… Tu es comme une grande sœur pour moi… A qui je pourrai parler, moi, aller tout raconter si tu n’es plus là pour m’écouter ?…
- Pour le remerciement que j’en ai !… Tu me crées des complications sans arrêt avec tout le monde…
- Je le ferai plus, j’te promets !…
- Oui, oh, si je faisais le compte de toutes les promesses que tu m’as faites et que tu n’as jamais tenues…
- Parce que tu m’as pas obligée… Si tu m’avais obligée…
- Ben voyons !…
- Si, c’est vrai, hein !… Tu m’as jamais comprise là-dessus… S’il y a pas quelqu’un pour me forcer à les faire les choses je les fais jamais… C’était ça que j’attendais de toi… Depuis le jour où on s’est rencontrées… Parce que t’es plus âgée que moi… Parce que tu as un caractère fort… Pas moi… Je suis comme une girouette… Toujours dans le sens du vent… C’est le dernier qu’a parlé qu’a raison… Quand je prends de bonnes résolutions je sais déjà que je ne les tiendrai pas… Je suis nulle… Rien de ce que j’entreprends ne réussit…
- Tu peux quand même pas dire ça…
- Bien sûr que si !… Et tu le sais très bien… Elle est rien du tout ma vie… Alors si je vis pas un peu de celle des autres, si je m’implique pas un peu dedans, même si je le fais mal, même si je le fais de travers, même si j’y fous le bordel, je suis rien… J’existe pas… Et ce sera toujours comme ça… Je suis en train de foirer complètement mes études… Parce que j’ai aucune volonté… Ma vie sentimentale ?… C’est du grand n’importe quoi… Et quand j’en aurai bien marre j’épouserai le premier con venu et j’irai achever de m’étioler au fin fond d’une province quelconque… Tant pis !… Ou tant mieux !… Mais c’est quand même un sacré gâchis, avoue !… Parce qu’il suffirait de pas grand chose pour que tout se passe autrement… Juste que quelqu’un me prenne en mains… Décide pour moi… Sans que j’aie à réfléchir ni à me poser de questions… Juste faire ce qu’on me dit… Parce que c’est pour mon bien… Que quelqu’un me punisse quand je n’écoute pas ou que je n’obéis pas… C’est immature ?… Evidemment que je suis immature… Et je le resterai… Sauf si on m’oblige à ne plus l’être… Si toi tu t’occupes de moi… Parce qu’il n’y a qu’à toi que je peux demander une chose pareille… Il n’y a qu’en toi que je peux avoir vraiment confiance…
- Et en Philippe…
- Philippe ?… Oh non, non !… C’est un homme Philippe… C’est trop compliqué avec un homme… Et puis ils savent pas…
- Tu le lui as pourtant demandé…
- Moi ?… Je lui ai jamais demandé ça !…
- D’après lui pourtant…
- Oh non, non, c’est pas vrai !… J’ai juste voulu qu’il me mette une fessée…
- Ah ben bravo !… Bravo!… Une fessée… De mieux en mieux… On aura tout vu… Et pourquoi donc s’il te plaît ?… T’avais quoi derrière la tête ?…
- Mais rien du tout !…
- Arrête de me prendre pour une imbécile, veux-tu !?… A 23 ans on va pas coller son derrière sous le nez d’un type qui en a le double sans avoir des intentions bien précises… Un homme, c’est un homme… Lui aussi… Comme les autres… Ils n’ont tous qu’une seule chose en tête… Toujours la même… T’imagines s’il avait voulu après ?…
- Oui, mais non… Il a rien voulu du tout…
- Ca aurait pu…
- Vous étiez plus ensemble…
- Depuis deux jours… Et toi, tu te précipites… Tu sautes dessus… A croire que t’attendais que ça, hein ?… Qu’on se casse la figure tous les deux… Peut-être même que tu as poussé à la roue… Oui, sûrement !… C’est minable !… Tu es minable… Tu sais ce que tu mériterais ?… C’est que moi j’t’en colle une, tiens !… Et une bonne…
- Si ça peut te faire du bien…
- Il est pas question de ça… Il est question de…
Elle n’a pas fini sa phrase. Elle s’est résolument emparée de la brosse à cheveux sur la coiffeuse, est venue s’asseoir sur le lit, l’a renversée sur ses genoux et a tiré sur la culotte de pyjama qu’elle a descendue jusqu’à mi-cuisses. Et elle a tapé…
- Tu vas t’en souvenir… Je peux te dire que tu vas t’en souvenir…

- J’ai fait fort quand même !… Je t’ai mis les fesses dans un état !
- Ca fait rien… C’est pas grave…
Elle a posé la main dessus, l’y a laissée…
- Comment elles sont chaudes !…
Elle les a doucement caressées, s’est penchée pour y déposer un baiser…
- Tu m’en veux pas trop ?
- Tu sais bien que non…
Elle a cheminé entre elles…
- Tu es toute…
- Mouillée, oui !… Enlève-la moi ma culotte !… Enlève-la moi… Complètement…
Elle s’est mise sur le dos, a croisé les mains sous la nuque, fermé les yeux…

- Comment c’était bon !… Mais dis !… Tu vas t’occuper de moi maintenant, hein?!… Me donner des ordres… Tout ce qu’il faut que je fasse… M’obliger… Et me punir chaque fois que je serai pas sage… Ou que je désobéirai… Oui ?… Tu me promets, hein ?


lundi 7 décembre 2009

Escobarines: Le grenier





- Qu’est-ce que vous avez ?… Vous en faites une tête !…
- Rien !… J’ai rien…
- Oh si !… Si, vous avez quelque chose… Et je sais même ce que c’est… Elle vous a plaqué Laurence… C’est ça, hein ?…
- Comment tu le sais ?
- Parce que… Parce que c’est de ma faute… Non, mais comment je peux être conne des fois !
- Explique-toi !…
- Il y a rien à expliquer… Sauf que je suis nulle !… Mais nulle d’une force !… Non, mais pourquoi je suis allé inventer ça ?… Pourquoi ?…
- Inventer quoi ?…
- Je lui ai raconté qu’on couchait ensemble tous les deux…
- T’as pas été faire une chose pareille ?!
- Si !…
- Mais t’es une vraie petite saloperie !…
- Je sais…
- Mais qu’est-ce qu’on t’a fait ?… Qu’est-ce que je t’ai fait ?…
- Rien… Je sais pas ce qui m’a pris… Engueulez-moi !… Allez-y !… Insultez-moi !… Je dirai rien… Je le mérite…
- Bon, mais tout n’est peut-être pas perdu… Alors tu sais pas ?… Tu vas aller la trouver et tu vas lui expliquer… Lui dire que tu as menti… Que tu as tout inventé…
- C’est déjà fait… J’y suis retournée… Elle a pas voulu me croire… Elle a dit que je voulais vous couvrir… Et elle m’a foutue dehors…
- Et elle a eu raison !… Dégage, tiens !… Fous le camp !… Moi non plus je veux plus te voir… Remets jamais les pieds ici !…

Le surlendemain elle est venue gratter timidement à la porte. A passé la tête…
- C’est que moi !… Vous êtes encore fâché ?…
- On le serait à moins, non ?…
- Moi aussi je suis fâchée… Je m’en veux, mais je m’en veux… Vous pouvez pas savoir à quel point je m’en veux…
- Ca me fait une belle jambe !…
- Punissez-moi !… Je l’ai mérité…
- Ca, c’est le moins qu’on puisse dire…
- Eh bien alors ?!… Allez-y !… Qu’est-ce que vous attendez ?
- Vaut mieux pas, non… Parce que je risquerais de taper beaucoup trop fort… Tu m’as fait tellement de mal !…
- Eh ben justement raison de plus !…
- Allez, file !… Dépêche-toi !… J’ai du travail…
- J’m’en fiche !… Si vous voulez pas me le faire je me le ferai moi-même alors !… Et je taperai encore plus fort que si c’était vous qui le faisiez…
- Allez, allez, va vite !… Rentre chez toi…

- Vous m’avez bien dit que vous avez plein de vieux bouquins au grenier ?
- Oui…
- Il y a quoi ?…
- Je me souviens plus au juste…
- Je peux pas y monter voir ?… Parce qu’au club de théâtre, à la fac, on voudrait trouver de trucs un peu originaux… Des pièces que personne connaît…

Elle a marché au-dessus. Dans un sens. Dans l’autre. Ca s’est arrêté. Ca a recommencé. Le silence. Et puis ça a claqué. Doucement d’abord. Hésitant. Avec de longs moments d’interruption. Ca s’est élancé. De plus en plus vite. De plus en plus fort. De plus en plus intense. Ca a gémi. Ca a crié. Ca s’est plaint. Lamenté…
- C’est qu’elle est bien fichue de s’estropier cette petite dinde !…
Je suis monté. Ca s’est arrêté. Un genou sur la vieille chaise haute de ma grand mère, agrippée des deux mains au dossier, elle m’a regardé escalader, l’un après l’autre, les barreaux de l’échelle. Le derrière à l’air. A l’air et cramoisi…
- Je vous avais bien dit que je le ferais…
J’ai pris pied sur le plancher du grenier…
- A votre tour !… Punissez-moi !…
- Bon, allez, tu descends de là !… Ca suffit maintenant…
- Non… Non… Parce que vous m’en voulez encore… Je le vois bien… A votre air… A votre ton… A plein de choses… Vous êtes plus comme avant avec moi… Plus du tout… Tant que vous m’aurez pas punie…
- Il n’en est pas question…
- J’m’en fous… Si vous voulez pas je me continue toute seule… Jusqu’à ce que vous vouliez…
- Non, mais ça va pas ?… T’es pas bien ?… T’as vu dans quel état t’as le derrière ?…
- Ce sera bien pire tout à l’heure… Et ça m’est complètement égal… Tout m’est égal… Sauf d’être réconciliée avec vous… Et que vous soyez exactement comme avant avec moi… Vous voulez pas ?… Très bien…
Et elle a repris de plus belle. De toutes ses forces…
- Donne-moi ça !…
- Non !…
On a lutté tous les deux. Je le lui ai arraché. Jeté par le vasistas…
- J’m’en moque !… Chez moi je vais aller me le faire… Vous pourrez pas m’empêcher chez moi… Et tout sera de votre faute…
- Ecoute-moi !…
- J’écoute rien du tout…
- Tu peux pas… Dans l’état où tu t’es mis les fesses tu peux pas continuer… C’est beaucoup trop dangereux…
- Tant mieux !…
- Attends au moins un peu !… Quelques jours… Que tout soit revenu à peu près à la normale…
- Si j’attends c’est vous qui me le ferez ?
- On verra…
- Non, on verra pas… Il faut que vous promettiez… Tout de suite… Que vous juriez… Sinon… Vous jurez ?…
- Oui, oui… Allez, rhabille-toi !…

Elle s’est déculottée…
- Regardez !… Vous voyez ?… Il y a plus rien… Presque plus rien… Vous pouvez me le faire maintenant…
- Tu crois vraiment que c’est nécessaire ?
- Je crois pas… Je suis sûre… Vous allez pas vous défiler au moins ?… Parce que alors là si vous vous défilez en sang je me le mets…
- Je vais pas me défiler, non…
- Super !… Au grenier on monte ?… On sera mieux là-haut…

jeudi 3 décembre 2009

Escobarines: Princesse de lumière





« … pratique malheureusement fort courante à l’époque. C’est ainsi que le célèbre écrivain espagnol Cervantes, capturé en mer sur la galère Sol, fut attribué, en tant qu’esclave, au renégat grec Dali Mami. Il ne dut sa libération, cinq longues années plus tard, après quatre tentatives d’évasion et diverses péripéties, qu’au versement d’une rançon réunie par l’ordre religieux des Trinitaires qui s’était fait une spécialité de l’élargissement des captifs.
On ne se contentait d’ailleurs pas d’aller « se servir » en mer : de véritables raids étaient organisés sur les côtes espagnoles ou italiennes dans le but clairement avoué de se procurer des esclaves : les hommes capturés étaient vendus pour constituer une main-d’œuvre gratuite. Quant aux femmes les sultans les acquéraient pour s’en faire des concubines ou pour les mettre au service de leurs épouses. Nur-Banu ( Princesse de lumière ), de son vrai nom Cecilia Venier-Baffo, la nièce du doge de Venise, enlevée à Paros, devint, après avoir été intégrée au harem de Topkapi, la favorite de Selim II auquel elle offrit une descendance… »

Elle a fermé le livre… Puis les yeux… Et elle l’a vue… Nur-Banu… Mollement alanguie sur un sofa. Entourée de femmes prévenant, avec empressement, ses moindres désirs. D’eunuques qui l’éventaient, la rafraîchissaient et lui présentaient toutes sortes de friandises sur des coussins de velours ornés de pierres précieuses… On a annoncé, à son de trompes, la venue du sultan. Tout le monde s’est éclipsé…

« - Ils arrivent !… Sauvez-vous !… Cachez-vous !… »… Elle a tranquillement continué à cheminer vers la plage, croisant des groupes d’hommes et de femmes affolés qui couraient à perdre haleine, la bousculaient au passage sans la voir ou l’exhortaient à fuir… « - Mais va-t-en, espèce de folle !… Retourne !… »… Ils étaient une quinzaine. Ils ont fondu sur elle. Elle n’a pas opposé le moindre semblant de résistance. On l’a ligotée, enchaînée, à fond de cale, en compagnie de dizaines d’autres captives et captifs qui gémissaient et pleuraient à qui mieux mieux…

Nue sur une estrade. Entièrement nue sous un soleil brûlant. Autour on allait et on venait. Autour d’eux. Autour d’elle. On l’a examinée. A l’intérieur de la bouche. Sous la plante des pieds. On lui a tâté les cuisses. On les lui a fait écarter. On a voulu voir. On lui a soupesé les seins. On a essayé d’en faire dresser les pointes. On lui a mis un doigt entre les fesses. Un autre. Quelqu’un a compté des pièces. Qui ont changé de mains. Qu’on a recomptées. On lui a passé une corde autour du cou. On l’a emmenée…

Le luxe. Le grand luxe. Du marbre. De l’or. Des tentures. D’immenses cours intérieures fleuries. Des pépiements d’oiseaux. Le babillage ininterrompu des femmes dans une langue inconnue. Leur course effrénée soudain. Elle a suivi. Tout s’est arrêté. Tout s’est tu. Agenouillées, elles ont silencieusement regardé approcher le sultan. Qui s’est arrêté. Qui a posé les yeux sur elle. Qui a dit quelque chose qu’elle n’a pas compris. On l’a poussée. Jusque devant lui. Jusqu’à ses pieds. Il a encore dit quelque chose. Elle a fait signe qu’elle ne comprenait pas. Il a souri. Il lui a posé la main sur la tête. Il s’est éloigné…

Elles l’ont entourée, volubiles. Se sont emparées d’elle. L’ont conduite au bain. Lavée. Ointe d’huile d’aloès. Parfumée. Coiffée. Habillée. Parée de bijoux magnifiques. Elles se sont reculées, ont contemplé leur œuvre, l’ont fait allonger, satisfaites, sur un divan dans lequel elle s’est voluptueusement enfoncée…

Un eunuque est venu la chercher, l’a guidée, à travers un dédale de couloirs, jusqu’au pied d’un luxueux sofa sur l’occupant duquel elle ne s’est pas permis de poser le regard…
- C’est donc toi !…
Surprise, elle a levé la tête. Nur-Banu l’examinait d’un œil inquisiteur…
- Qui es-tu ?… Que fais-tu là ?…
- Je… Mais rien… On m’a enlevée… Capturée… Vendue…
- Et pour une bouchée de pain, m’a-t-on dit… Une somme vraiment dérisoire… Pourquoi ?…
- Je ne sais pas…
- Mets-toi nue !…Tourne-toi !… Approche !… Tourne-toi encore !… Oui… Tu as été très largement sous-évaluée… C’est incontestable… Il y a forcément une raison à cela… Une raison que tu connais…
- Non !… Je vous jure que…
- Ne fais pas l’innocente !… Il y a à peine vingt-quatre heures que tu es arrivée et tu as déjà joué des pieds et des mains pour essayer de t’insinuer dans les bonnes grâces du sultan… Ca aussi pourquoi ?…
- Hein ?!… Mais je n’ai jamais…
- J’ai mes informateurs… Tout a été prémédité… Minutieusement préparé… Mes ennemis t’ont recrutée – et, je suppose, grassement payée – pour que tu me supplantes… Pour définitivement m’évincer… Ose dire le contraire !… Seulement ce qu’ils n’avaient pas prévu… Bon, mais je m’occuperai d’eux en temps voulu… Pour le moment toi, tu vas être punie…

Un signe de la main et trois vigoureux eunuques sont venus se saisir d’elle, l’ont allongée à plat ventre sur le tapis. L’un lui a solidement maintenu les jambes, l’autre les bras. Sorties de partout et de nulle part des femmes se sont approchées, ont fait cercle, la mine gourmande, sur deux rangs. Le premier coup de fouet, appliqué avec vigueur, l’a cueillie par surprise, lui a arraché un hurlement strident. Quelque part quelqu’un a ri. Et c’est tombé. Ca a continué à tomber. Ca a sifflé, claqué, mordu. Comme si ça ne devait jamais s’arrêter…

- Relève-toi !… Relève-toi et viens là !…
Chancelante… Pantelante…
- Plus près !… Et à genoux !…
Elle l’a agrippée par les cheveux, lui a attiré la tête, a plongé ses yeux dans les siens…
- Que je révèle au sultan que tu as comploté contre moi, que tu as voulu attenter à ma vie et je ne donne pas cher de ce gentil petit minois…
Elle lui a passé un doigt tout au long du cou…
- Couic…
Un tremblement lui a secoué tout le corps…
- Oui, ce n’est pas une perspective très exaltante, hein ?!… Mais j’ai mieux pour toi… Beaucoup mieux… J’obtiens tout ce que je veux de lui… Et il m’a fait cadeau de toi… Alors j’ai décidé de te mettre au service de mes servantes… Avec toute latitude de te traiter, pour se faire obéir, comme elles l’entendent… Et tu verras qu’elles ne manquent pas d’imagination…

Elle a dit quelque chose et elles se sont toutes mises à parler en même temps. Elles l’ont entourée, voulu l’entraîner…

Des coups à la porte. Elle a prestement dissimulé ses doigts luisants de mouille sous l’oreiller…
- Qu’est-ce que c’est ?
- Dis, t’as vu l’heure ?… Si tu ne te dépêches pas tu vas encore arriver en retard au boulot… Une fois de plus…